Interview à la revue TLM /http://www.tlmfmc.com/ en 2004
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TLM : Vous venez de succéder à Marcel Tobelem à la présidence de la Fédération
régionale Unaformec Ile-de-France, comment envisagez-vous ce mandat ?
Dr
Francis Abramovici : Je tiens tout d'abord à rendre hommage à mon
prédécesseur pour sa compétence, sa manière de faire et son affabilité.
Marcel Tobelem m'a demandé de présenter ma candidature, c'était pour moi
un honneur que de lui succéder, j'ai donc accepté. L'axe fort de mon action
consistera à aider la Fmc associative locale à montrer qu'elle existe
en Ile-de-France, faire reconnaître le désir des médecins de se former
et leurs efforts en matière de formation continue. Ce désir et ces efforts
existent, je le constate chaque jour au fil de mes rencontres avec les
médecins. Pourtant bien souvent les pouvoirs publics et les patients ne
le savent pas ou se montrent incrédules. C'est que les médecins n'ont
pas toujours la disponibilité ou les outils pour faire savoir et reconnaître
qu'ils se forment. Aider les associations à structurer leur démarche en
ce domaine me semble important à l'heure où l'on a voulu rendre obligatoire
la formation médicale continue.
TLM : Comment mieux faire connaître le travail des associations ?
Dr Abramovici : Nous préconiserons aux associations de s'engager
dans la démarche qualité. L'association met par écrit ses procédures de
fonctionnement et les compare aux objectifs spécifiques qui sont les siens.
Elle ajuste ensuite son fonctionnement dans tel ou tel secteur. Ce travail
très enrichissant pour l'association permet non seulement d'améliorer
la qualité de la formation et donc d'en retirer ce bénéfice immédiat mais
aussi d'apporter la preuve écrite, formelle et structurée de ce qu'elle
réalise. La démarche qualité me semble ainsi constituer l'une des voies
efficaces pour aider les associations à administrer la preuve de leur
activité et de sa qualité aux pouvoirs publics et aux patients. Elle doit
de surcroît représenter un effort en temps compatible avec l’exercice
professionnel, et rentabilisé en terme d’amélioration de la FMC. J'ajoute
que la démarche qualité est complémentaire de l'évaluation des pratiques
professionnelles, telle qu'elle est mise en place en partenariat avec
l'Urml et l'Anaes. Je conduis le premier groupe de médecins en Ile-de-France
d'évaluation des pratiques professionnelles expérimentaux, et j'en retire
l'intime conviction de cette complémentarité entre démarche qualité dans
la Fmc et évaluation des pratiques.
TLM : Comment pensez-vous promouvoir la démarche qualité au sein des associations
d'Ile-de-France?
Dr Abramovici : La fédération se met à la disposition des associations
qui souhaitent entreprendre cette démarche. Je souligne que la démarche
qualité est basée sur le volontariat et qu'elle vise à apporter un bénéfice
à l'association. Il n'y a là aucune notion de sanction, nous tablons uniquement
sur les motivations. Des procédures de démarche qualité sont élaborées
par l'Unaformec à destination notamment des associations locales de Fmc.
Elles sont actuellement en cours d'expérimentation dans plusieurs régions,
en Ile-de-France par exemple, avec les associations de Lagny et de Créteil.
Cette phase aboutira avant la fin de l'année. Nous en tirerons les leçons
puis nous proposerons aux associations souhaitant s'engager dans cette
démarche de les accompagner. Les procédures de démarche qualité que nous
mettons au point sont aussi légères que possible, afin qu'elles soient
compatibles avec les réalités des structures de Fmc dont chacun sait qu'elles
sont animées par des professionnels bénévoles déjà souvent surchargés.
TLM : Quels autres rôles envisagez-vous de faire jouer à
la fédération ?
Dr Abramovici : Il s'agit de mettre la fédération au service des
associations en fonction de leurs projets et de leurs désirs. Ce n'est
pas à la fédération de faire, mais aux hommes et aux femmes des associations.
Notre action, nous l¹envisageons menée en commun. Nous proposons donc
une aide et de faire ensemble. La démarche n'est pas descendante mais
horizontale. Nous envisageons de mettre en place, selon les voeux des
associations, des formations susceptibles d'améliorer la formation leur
fonctionnement et leur démarche et dont l'organisation dépasse les possibilités
de l'échelon local : formations à la démarche qualité, à la validation
de la formation, à la pédagogie, à l'animation de groupe, à l'évaluation
des pratiques, des formations action, des formations recherche, etc. Les
services que peut fournir une fédération régionale sont nombreux : conseils
concernant l'obtention d'un numéro de formateur, le bilan pédagogique,
les modes possibles de financement, etc. Afin d'assurer tous ces services
la fédération devra se doter de moyens administratifs et notamment d¹un
secrétariat.
TLM : Comment concevez vous les relations de la fédération Unaformec Ile-de-France
avec les autres fédérations de la région ?
Dr Abramovici : Les fédérations des
départements d'Ile-de-France avaient la
spécificité d'être dotées du statut de
fédérations régionales. L'échelon
administratif ayant changé il y a quatre ans c'est
l'Ile-de-France qui est maintenant qualifiée de région,
d'où la création de la fédération
régionale Unaformec Ile-de-France aux côtés de
fédérations départementales. Pour éviter
les redondances entre les divers échelons, il convient de
trouver un mode d'articulation. Il faudra faire preuve de
créativité et inventer un lien fluide, souple et
élégant entre le local, le départemental, le
régional et le national. L'Ile-de-France possède
également une Fédération des amicales de Paris qui
est maintenant régionale et une Fédération des
spécialistes. Pourquoi ne pas repenser ce qui m'apparaît
comme un éclatement la profession ? Je suis disposé
à y réfléchir avec tous.
Propos
recueillis par Bernard Maruani
Francis
Abramovici : parcours
Le
nouveau président de la Fédération de Fmc
Unaformec Ile-de-France est un représentant exemplaire de cette
génération de médecins généralistes
installés dans les années 80 et qui ont vécu -et
pour le Dr Francis Abramovici, souvent précédé-
les mutations de l'exercice de la médecine
générale et de la formation médicale continue.
C'est dès son entrée en faculté que le Dr
Abramovici envisage d'embrasser le métier de médecin
généraliste pour la « prise en charge globale et
humaniste du patient » qu'il permet. C'est lors d'un
troisième cycle de médecine générale
à Bobigny, alors expérimental, qu'il rencontre Jean-Louis
Rouy, Claude Grumberg ou Albert Hercek, parmi les initiateurs de
l'enseignement de la médecine générale à
l'université et de la formation médicale continue en
France. Et c'est là qu'il se convainc que les méthodes
d'animation de groupe «démocratiques et
structurées» étaient les plus à même
de permettre l'expression de la qualité humaine et de
l'apprentissage. Un an après son installation en cabinet
-où il exerce actuellement en groupe avec quatre
généralistes et douze professionnels de santé- il
crée en 1980 une association de Fmc où il applique les
méthodes pédagogiques interactives auxquelles il se forme
essentiellement à l'Unaformec. Fondateur avec Michel Doré
de la fédération de Seine-et-Marne, il préside
ensuite le Conseil régional de Fmc. Chargé de projet
Unaformec, membre du comité pédagogique d¹Agora,
l'école de formateurs de l'Unaformec, il est également
coordonnateur du premier ouvrage de la collection Voltaire. Il
crée également le diplôme universitaire Forcomes
qui permettra à 300 professionnels de santé de se former
à l'éducation à la santé. Pour Francis
Abramovici la médecine générale requiert «
compétence scientifique argumentée et validée,
compétence relationnelle et ouverture et par là implique
un certain éclectisme ». Dans sa pratique le Dr Abramovici
fait ainsi de la nutrition, de la réparation juridique et
dommages corporels mais aussi des psychothérapies brèves
: « Le médecin généraliste est le mieux
placé pour prendre en charge les nombreuse souffrances
psychologiques auxquelles il est confronté : problèmes
d'alcool et de dépression, agressions physiques ou sexuelles,
adolescence en souffrance, etc. » Côté ouverture
c'est d'abord plusieurs séjours à l'étranger :
deux ans de coopération au Maroc, et après son
installation plusieurs missions en Amazonie, en Ethiopie et en Roumanie
dans le cadre de Médecins du monde. Mais c'est aussi et surtout
son implication dans les réseaux de soin car « le
médecin généraliste ne peut réussir
qu’avec les autres ». Il travaille ainsi en accompagnement
du réseau de soins de Créteil. Il préside
également l'association « Santé : soigner, agir
nous tous ensemble » à Lagny qui regroupe médecins
de la ville et de l'hôpital, et non médecins
professionnels de santé et travailleurs sociaux. Un parcours
à l'exemple de la médecine générale qu'il
conçoit à « l'interconnexion des savoirs et des
compétences ».
Rapport
moral 2002-2003 de Marcel Tobelem, président sortant de la Fédération
régionale Unaformec Ile-de-France [...]
A la création du Crfmc d'Ile de France, en 1997,
l’Unaformec était représentée par huit
fédérations régionales qui étaient en
réalité des fédérations
départementales, dont une fédération parisienne.
Il est alors apparu nécessaire, en miroir avec le Crfmc et
l'Urml d'Ile de France, de regrouper ces fédérations dans
une Unaformec Ile de France représentée au conseil
d'administration de l'Unaformec nationale par quatre
délégués. Vous savez l¹importance en Fmc de
la proximité qui se traduit par une vie très active de
l’association locale, une vie plus modérée de la
fédération départementale et une vie difficile de
la fédération régionale. [...] (Or) plus on
s'éloigne du niveau local dans la structuration, plus il est
nécessaire, d¹avoir une conscience politique, de prendre en
compte l'intérêt général et d'agir à
un second et parfois troisième degré de conscience.
D'où la nécessité de se rassembler sur des projets
fédérateurs. Dès la naissance de la
fédération, avec l'enthousiasme de Jean-Paul Hamon et
l'aide du bureau, nous avons mis en oeuvre une grande action sur la
prescription de l'imagerie médicale. Des groupes de travail se
sont réunis dans les départements sur des cas cliniques
avec l'aide de documentations fournies par le Centre de documentation
de l'Unaformec nationale. Ils ont élaboré des protocoles
qui ont été présentés au cours d'une
mémorable réunion soutenue par France Telecom au Louvre.
Cette expérience enrichissante et parfois enthousiasmante n'a
pas eu de suite, chacun étant repris par ses obligations locales
et les moyens financiers à mettre en oeuvre étant
largement insuffisants. [...] Nous avons néanmoins, il y a deux
ans [...] organisé un colloque de grande qualité sur
« le malade de demain » [...]. Pendant ces trois
dernières années de mandat, le Bureau s'est réuni
entre six et dix fois par an avec principalement comme tâches de
continuer, à structurer le niveau régional, à
tenter de faire revivre des fédérations moribondes ou
disparues comme dans le 78, le 93, le 95 et à fournir des moyens
financiers aux fédérations locales et
départementales. Pour cela nous avons coordonné les
appels d'offre du FAF et de la Formation professionnelle
conventionnelle et nous avons réparti les formations dans la
région Ile de France en abandonnant l'intégralité
des budgets à ceux qui réalisaient les actions à
partir de dossiers nationaux. Mais dans mon esprit, et je le dis avec
beaucoup de regrets, nous n'avons fait que survivre. [...] Ne doutez
pas, cependant, que l'avenir est à la qualité, à
la formation, à la preuve de la formation, aux exigences de la
société et des usagers de santé. Rien ne s'est
jamais fait sans foi et enthousiasme qui permettent de rendre
supportable ce qui est ou paraît insupportable. Une nouvelle
équipe va se mettre en place. Il y a de bonnes choses à
faire pour la profession. L'Unaformec Ile de France a la chance
d'être une structure ouverte à tous, parce qu'elle n'a
fait que le choix de la qualité et du service rendu. Elle ne
jouera pas son rôle « d'en haut », mais grâce
à vous et pour vous.
Dr
Marcel Tobelem
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